Ayant passé son tour en 2021 pour cause de pandémie, le salon normalement bisannuel Labelexpo Europe a rassemblé plus de 630 exposants en septembre à Bruxelles. Ceux-ci ont accueilli près de 36 000 visiteurs - approchant de l'affluence record de 2019. Fidèle à son habitude, Labelexpo proposait un état des lieux de l'offre actuelle et une perspective sur l'avenir de l'industrie de l'étiquette. Un secteur confronté l'an dernier à une contraction qu'il n'avait plus connue depuis bien longtemps (voir le numéro 7 de Nouvelles Graphiques de cette année, ndlr) et qui doit donc trouver des manières de se ressaisir. Les constructeurs, fabricants de matériaux et autres fournisseurs en ont pris conscience et s'efforcent de répondre efficacement aux attentes.
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Ayant passé son tour en 2021 pour cause de pandémie, le salon normalement bisannuel Labelexpo Europe a rassemblé plus de 630 exposants en septembre à Bruxelles. Ceux-ci ont accueilli près de 36 000 visiteurs - approchant de l'affluence record de 2019. Fidèle à son habitude, Labelexpo proposait un état des lieux de l'offre actuelle et une perspective sur l'avenir de l'industrie de l'étiquette. Un secteur confronté l'an dernier à une contraction qu'il n'avait plus connue depuis bien longtemps (voir le numéro 7 de Nouvelles Graphiques de cette année, ndlr) et qui doit donc trouver des manières de se ressaisir. Les constructeurs, fabricants de matériaux et autres fournisseurs en ont pris conscience et s'efforcent de répondre efficacement aux attentes. On retiendra, par exemple, l'analyse approfondie que Dario Urbinati, CEO du constructeur de presses Gallus, a livrée des développements démographiques et macro-économiques mondiaux, avant de présenter sa nouvelle machine à étiquettes dans la foulée. La composition de la société change, a-t-il fait remarquer. D'ici dix ans, toute une génération va partir à la retraite, privant le marché du travail d'une masse considérable d'expérience, de savoir-faire et de compétences. Une situation encore aggravée par la baisse de la natalité. De moins en moins de bras seront dès lors disponibles pour travailler dans le secteur, alerte Urbinati. Pour autant que l'on trouve encore des candidats intéressés, car d'autres industries sont plus attrayantes: "Google sera toujours plus sexy que l'industrie manufacturière." La grande question est donc de savoir, dit Urbinati, si le modèle économique actuel des imprimeries d'étiquettes - largement tributaire d'un personnel qualifié - est encore tenable: "Nous allons devoir nous y prendre de manière radicalement différente." L'automatisation et l'interconnectivité n'ont plus pour seul objectif la réduction des coûts: "Elles deviennent indispensables à la survie de notre industrie." La transformation numérique ne se cantonne plus au basculement des techniques de l'analogique vers le digital, mais englobe aussi l'ensemble des logiciels et le flux de production tout autour. "Un écosystème numérique." Gallus est prête pour cette transition. Elle a ainsi présenté à Bruxelles sa nouvelle presse à étiquettes jet d'encre Gallus One, précisant en avoir déjà installé "plusieurs exemplaires" en Europe. Une avancée importante pour ce constructeur qui fabrique des presses depuis déjà plus d'un siècle, a rappelé Urbinati: "Il ne reste en fait plus grand-chose à améliorer à la flexographie. L'innovation est à chercher du côté du numérique." Gallus avait déjà, en son temps, coconstruit la presse jet d'encre LabelFire avec sa maison mère Heidelberg. Mais celle-ci était destinée au segment haut de gamme de l'industrie de l'étiquette. La Gallus One en revanche se veut concurrentielle sur le plan du coût global de possession. Gallus a même mis au point un calculateur de TCO pour en convaincre les imprimeries. Urbinati en attend beaucoup: "Gallus vend une centaine de presses par an. Le rapport entre presses numériques et flexographiques pourrait s'équilibrer à 50/50 l'année prochaine." Les presses flexo ne manquaient pas à Labelexpo (lire aussi le numéro 8 de Nouvelles Graphiques de cette année, ndlr). Les constructeurs y voient le procédé par excellence pour les grands volumes, et ils misent sur le jet d'encre pour la production des petits tirages. Ce en plus de quoi ils proposent des solutions hybrides. À savoir des combinaisons de modules flexo et jet d'encre censées associer le meilleur des deux techniques. La même analogie avec les "blocs Lego" était ainsi évoquée pendant les démonstrations sur les stands de Gallus, Bobst et Mark Andy: les presses hybrides peuvent être assemblées au gré des besoins, éventuellement en intégrant le façonnage et l'ennoblissement (comme de la dorure) directement après l'impression. Pour autant, la forte progression de l'impression numérique dans l'industrie de l'étiquette n'est plus contestable - même chez les fournisseurs qui continuent de croire (aussi) à la flexo. Xeikon est ainsi un constructeur numérique qui continue d'élargir le périmètre de sa technologie d'impression à toner. L'une de ses principales motivations est la demande croissante de soutenabilité. Pour sa nouvelle presse numérique à étiquettes, appelée "Lion" ou plus prosaïquement LX 3000, Xeikon a remis différentes composantes du processus d'impression sur le métier. D'où une machine non sensiblement plus rapide (42 m/min en pointe), gage d'une productivité accrue, mais également conçue pour engranger des gains sur d'autres plans. La Lion a ainsi recours au nouveau toner Eco, composé de 60% de polyester recyclé, sans fluor (PFAS) et 100% végan. Et elle bénéficie du "cruise control": un degré élevé d'automatisation et de contrôle de la qualité qui assure une production plus efficiente avec moins de gâche. Pour aider à objectiver la chose, Xeikon présente son propre calculateur d'empreinte carbone, qui génère un rapport de durabilité permettant de mieux comparer les machines. S'il ne tenait qu'à HP, la transformation numérique serait encore beaucoup plus rapide. Noam Zilbershtain, qui a pris la barre d'HP Indigo en 2022, vivait sa première Labelexpo à Bruxelles. Il se dit convaincu que l'industrie de l'étiquette sera l'une des premières à passer intégralement à l'impression numérique et prédit une révolution sous le slogan: "HP first, flexo second." Selon ses propres données, HP domine le marché de l'étiquette et de l'emballage avec quelque 2 200 installations de presses numériques à technologie ElectroInk (toner liquide). Un chiffre encore appelé à grandir avec le lancement de la nouvelle HP Indigo V12, une presse numérique petite laize embarquant 12 couleurs et pouvant rivaliser avec la flexo avec ses 120 m/min: "Nous sommes parvenus à résoudre la problématique de la vitesse, ce qui décale aussi sensiblement le point de bascule." La HP Indigo V12 a entre-temps accompli avec succès sa phase pilote auprès de quatre imprimeries, dont Eshuis, aux Pays-Bas. Elle est apparue suffisamment productive, dit Zilbershtain, pour se substituer à trois ou quatre presses flexo. La presse est directement disponible sur le marché, même si l'on travaille encore d'arrache-pied à son couplage avec un changeur de bobines en continu. De quoi permettre une production vraiment ininterrompue. Les organisateurs de Labelexpo y ont par ailleurs épinglé une tendance potentiellement révélatrice d'une évolution sur le marché de l'étiquette: les exposants produisent de plus en plus souvent aussi des emballages. Les visiteurs intéressés pouvaient pour la première fois suivre une "Flex Pack Trail", les menant à la découverte des multiples aspects d'une production d'emballages souples - des matériaux aux presses en passant par les encres et le séchage. Des possibilités que les fabricants de presses numériques semblent eux aussi intéressés à explorer explicitement. HP Indigo a ainsi exposé à Bruxelles la 200K Digital Press, dédiée à la production d'emballages souples tels que des sachets à fond plat (pouches). Fujifilm, également active sur le marché de la flexo avec des encres et des plaques, montrait de son côté sa presse jet d'encre Jet Press FP790. Le visiteur devait toutefois se contenter sur le stand d'un modèle réduit de l'imposante machine. Mais une liaison vidéo en direct de la première installation pilote au Royaume-Uni montrait clairement en quoi cette presse numérique à encres aqueuses offre une alternative aux presses flexo pour la production d'emballages souples en plastique. D'autres acteurs du marché capitalisent sur la tendance au remplacement des emballages en plastique par des variantes en papier. Comme Screen, avec la nouvelle presse PAC520P à jet d'encres aqueuses sûres du point de vue alimentaire. Un prototype de cette machine était déjà visible en début d'année aux Hunkeler Innovation Days: un avant-goût de Labelexpo. Xeikon aussi voit des opportunités dans les emballages souples en papier. La presse numérique TX-500 Titon imprime avec un toner spécial, qui, assure Xeikon, cumule les caractéristiques bénéfiques du toner (sûr du point de vue alimentaire et inodore) et celles des encres UV (résistance aux rayures et à la chaleur) - ce qui la rend particulièrement appropriée à la production d'emballages. Les possibilités d'impression sur carton ondulé ne sont pas non plus laissées de côté. Konica Minolta, qui avait mis le paquet à Labelexpo, notamment avec la presse toner AccurioLabel 400, montrait, par exemple, comment, en plus de traiter des feuilles de carton ondulé, l'imprimante jet d'encre à plat PKG-1300 peut imprimer des données variables sur des boîtes en carton prépliées. Les passionnés de workflow ont pu s'en donner à coeur joie au Palais 11. Réunis dans l'Automation Arena, Cerm, Esko, Fedrigoni Self-Adhesive, Grafotronic, Kurz et Xeikon ont assuré une démonstration conjointe d'une production d'étiquettes totalement autonome. Plusieurs opérateurs s'affairaient certes autour de la ligne, mais le propos se voulait clair: il est possible d'automatiser largement la production des étiquettes sans y perdre beaucoup en flexibilité. Même le processus de validation dans la phase de conception était entièrement digitalisé. La manière dont Esko permet à un client équipé de lunettes 3D de déambuler librement dans un supermarché virtuel n'est peut-être pas neuve, mais elle continue certainement d'impressionner. Le client prélève une bouteille de rosé dans le rayon et peut y lire l'étiquette qui sera produite pendant la démo. Les contours du reste du magasin sont visibles à travers le verre du flacon. Difficile d'imaginer représentation plus réaliste. Après ce court spectacle en 3D et la validation du design, le logiciel de prépresse d'Esko a fait son boulot. Le coup d'envoi de la production proprement dite a été donné par la Xeikon XT500, équipée du module de métallisation en ligne de Kurz. Le système d'information de gestion de Cerm a rendu compte sur grand écran de l'état d'avancement de la production, avant, pendant et après. Ce qui est aussi possible sur le smartphone pour celui qui souhaite surveiller la production d'une étiquette à distance, sans quitter le confort de son salon. L'hypermédiatisé vocable "intelligence artificielle" a été employé avec parcimonie à Bruxelles, et l'on s'en réjouit. Cette notion donne généralement lieu à une déclinaison inflationniste dans les salons, où il a tendance à être utilisé à toutes les sauces. Grafotronic, par exemple, a parlé d'IA juste pour évoquer l'automatisation du repérage sur ses machines. Ce qui frappe surtout dans cette démo, et d'autres antérieures, est l'apparente facilité avec laquelle toutes les composantes du processus de production sont interconnectées. L'utilisateur est pris par la main tout au long du processus. L'automatisation ne relève plus de la magie et la production sans intervention humaine devient une réalité. N'importe quelle entreprise peut s'y mettre. Pour une industrie qui accorde une telle importance au phénomène de la couleur, le calme qui régnait sur le stand très sobre de Pantone avait de quoi étonner. Tant il est vrai que l'organisation oeuvrant en coulisse des célèbres nuanciers a été fort critiquée depuis la fin de sa collaboration avec le géant du logiciel Adobe. Les utilisateurs de programmes comme InDesign, Illustrator et Photoshop n'ont en effet plus accès aux bibliothèques Pantone que moyennant paiement. À partir du moment où la disponibilité des chromathèques ne va plus de soi, Pantone doit-il encore être considéré comme le standard? Cette question est de plus en plus posée dans les médias sociaux sous l'impulsion de l'expert Eddy Hagen. Les impressions du nuancier correspondaient-elles encore effectivement aux données de référence Pantone? Était-il vraiment possible d'imprimer toutes les couleurs dans la limite des tolérances des standards ISO? Les subtiles différences de couleurs sont certes visibles sous lumière normalisée, mais qu'en est-il sous une combinaison de lumière du jour et d'éclairage artificiel dans le magasin? Ne vaut-il pas mieux fonder les couleurs sur la colorimétrie? À la fin de l'année dernière, Pantone a ajouté 224 nouvelles couleurs à la palette. Certaines très proches de couleurs existantes et avec donc un écart potentiellement difficile à reproduire pour l'imprimeur. Martin Cusack, Product Manager préposé au stand tout proche de la société soeur Esko (Pantone et Esko sont deux filiales de Danaher) a bien voulu fournir une explication. Le "divorce" entre Adobe et Pantone découle, dit-il, du fait que les bibliothèques de couleurs n'étaient plus à jour dans les logiciels. Un problème résolu par le système Pantone Connect, disponible comme module externe pour les logiciels Adobe, mais moyennant des frais mensuels. Ce qui a conduit Adobe à ne pas proposer l'application par défaut. Cusack trouve logique que les utilisateurs Adobe doivent payer séparément pour Pantone Connect. D'ailleurs, Esko aussi rémunère sa société soeur Pantone pour l'utilisation du système, explique le Product Manager. Pour autant, poursuit Cusack, Pantone n'a rien perdu de sa pertinence, car son système reste une manière de communiquer à propos de la couleur. Il n'exclut pas que de nouvelles teintes soient encore introduites à l'avenir. Pantone reste en permanence à l'écoute des besoins en la matière. L'imprimeur devrait être à même de reproduire les nuances de couleur, pour autant qu'il emploie le bon logiciel et que l'encre ne soit pas contaminée, dit Cusack. L'utilisation du système Pantone n'est pas un obstacle à une évolution telle que l'impression à gamut élargi, pense encore Cusack. Ces techniques permettent d'obtenir un espace chromatique plus vaste à partir des quatre couleurs standard ou plus. Cusack prend l'exemple du système Equinox d'Esko, qui convertit les tons directs Pantone en couleurs de quadri. D'autres solutions étaient proposées pour la conversion des couleurs vers un autre système chromatique, notamment sur le stand d'Hybrid Software. L'application PACKZ avec Advanced Color y ajoute une dimension supplémentaire: la prévision des écarts de couleur. Quand l'imprimeur imprime un ton direct en quatre, six ou sept couleurs, le logiciel peut calculer le delta-E sur la base de la colorimétrie. De quoi permettre à l'imprimeur et à son client de déterminer à l'avance si l'écart est acceptable ou non. PACKZ peut ainsi aider à opérer la transition des tons directs vers la quadrichromie. Un besoin toujours plus criant dans la mesure où les marques misent résolument sur la diversification de leurs produits, ce qui diminue mécaniquement la longueur des tirages. Le nombre d'applications présentées sur le stand d'Hybrid grandit à chacune de ses participations à un salon. Depuis l'acquisition, notamment, de Global Graphics (développeur de RIP) et de Meteor (électronique de commande des têtes d'impression), le groupe a la main sur une bonne partie de la chaîne. Il a aussi racheté l'an dernier iC3D Software, qui est venu compléter sa gamme pour la partie design. La déformation de l'image est un problème connu des concepteurs de manchons rétractables. Le designer doit tenter de prévoir ce à quoi le visuel de l'étiquette va ressembler après que celle-ci aura été chauffée pour venir épouser la forme du récipient. Les imprimeurs d'emballages préfèrent parfois décliner ce type de commandes complexes et au résultat imprévisible. Le logiciel d'iC3D calcule la déformation sur la base d'enregistrements 3D du produit final et intègre la compensation dans le design de manière à obtenir la forme juste après traitement. Il aide en outre à générer automatiquement une reproduction tridimensionnelle virtuelle de plusieurs versions du même design. Cette application est utile pour la vente en ligne, car elle permet au client de visualiser le produit à l'écran sous tous les angles. Pour en savoir plus à Labelexpo sur la soutenabilité de certaines solutions et leur incidence sur la nature et l'environnement, il y avait intérêt à bien choisir ses mots. Les laïus des exposants étaient bien rodés, mais il était bien difficile de s'y retrouver entre les différentes interprétations de l'adjectif "durable". Un journaliste américain s'est ainsi enquis en conférence de presse des aspects spécifiquement durables d'une nouvelle machine. S'est ensuivi un long exposé vantant les efforts consentis par le constructeur pour rendre son activité la plus neutre possible sur le plan des émissions de CO2 et de la consommation énergétique. Mais des chiffres sur la compensation de l'impact climatique ou le nombre de panneaux photovoltaïques placés sur le toit du siège ne constituent pas une réponse satisfaisante à la question posée. D'autant que même une machine produite (ou qui produit) de la manière la plus soutenable n'offre pas pour autant la garantie que les produits fabriqués sont eux-mêmes durables. La problématique est complexe et quiconque a déambulé dans les allées bruxelloises n'a pu que le constater: la durabilité est un sujet chaud dans l'industrie de l'étiquette. Et le thème est souvent abordé sous l'angle de la recyclabilité du matériau. Contrairement au secteur graphique, où le recyclage du papier et du carton est une réussite, la réutilisation des matériaux dans l'industrie de l'étiquette et de l'emballage reste un sujet délicat. Le secteur a en effet recours à un large éventail de supports, souvent, qui plus est, utilisés de manière combinée. Sun Chemical exposait dans une vitrine différentes solutions qui illustraient les défis rencontrés par les imprimeurs d'emballages et d'étiquettes désireux de produire de manière écoresponsable. Il ne suffisait pas au demeurant de lire le carton d'accompagnement pour savoir de quoi il retournait. Exemple, l'explication fournie sous une bouteille en plastique étiquetée qui disait texto: "UV Led Flexo printed retention grade pet label". À savoir, nous a-t-on expliqué, une bouteille en PE avec une étiquette en PET. Soit une combinaison qui ne se prête pas au recyclage. Raison pour laquelle Sun Chemical a conçu une étiquette qui se décolle dans l'eau chaude. Également dans la vitrine: un sachet monocouche, imprimé en offset, pouvant contenir des aliments. Ce qui offre une solution à plusieurs problèmes en proposant à la fois: un support compatible avec l'offset, sans danger pour les aliments et réutilisable, une étiquette polypropylène imprimée avec des encres flexo UV désencrables et des emballages papier à propriétés barrières. Fedrigoni avait agencé son stand comme une forteresse inexpugnable, peut-être pour éviter que quiconque puisse passer devant ses produits sans recevoir d'explications. L'espace était ceint d'une toile sombre, semi-translucide, de plusieurs mètres de haut. Le fournisseur de supports autoadhésifs avait littéralement érigé un rempart contre les simples curieux. Le visiteur était bloqué dès la réception à l'entrée du stand, où d'autres attendaient déjà impatiemment de se voir attribuer un accompagnateur. Une fois à l'intérieur, il découvrait un océan de tables, sans la moindre chaise libre. Sur le côté étaient alignées les tables d'exposition présentant les innovations de Fedrigoni. Un vaste espace d'où il ressortait que le fabricant a vraiment approfondi la question de la réutilisation. Par exemple, avec une solution pour les déchets de liners, les papiers dorsaux qui restent après la pose de l'étiquette. Fedrigoni a ainsi imaginé une manière de les réutiliser pour la production d'étiquettes neuves. Ce produit commercialisé sous la marque Re-Play est constitué à 100% de papier recyclé, dit le fabricant, et sa fabrication réduit de moitié la consommation d'eau et d'énergie et les émissions de CO2. Les dorsaux sont relativement simples à collecter dans la mesure où le flux de déchets a sa source dans l'espace de production, c'est-à-dire à l'endroit où l'étiquette est posée sur le produit. Fedrigoni emploie le terme d'upcycling arguant que la valeur de l'étiquette Re-Play est supérieure à celle d'origine des matériaux à partir desquels elle est fabriquée. Il est souvent mentionné sur les emballages et étiquettes qu'ils conviennent pour le recyclage. Mais il est plus rare qu'ils soient eux-mêmes constitués de matériau recyclé. Une déclaration claire sur la durabilité et la réutilisation est précieuse notamment pour les marques d'articles de luxe. À travers ses acquisitions récentes, Fedrigoni semble surtout (continuer de) miser sur ce segment et Re-Play peut potentiellement être intéressant pour ce marché. Cette innovation liée à la réutilisation des liners alimente un débat intéressant en cours depuis un certain nombre d'années dans l'industrie de l'emballage: faut-il réduire les déchets à travers la réutilisation côté production (sans que le grand public n'en sache rien) ou plutôt en agissant côté consommation (avec la possibilité d'une valeur ajoutée en termes de marketing)? C'est la différence entre déchets de pré- et de post-consommation. Les déchets collectés, ou même évités, côté production ne peuvent, par définition, pas finir dans la poubelle du consommateur. Fedrigoni mise dès lors également sur l'utilisation de matériaux plus minces, sans perte qualitative de processabilité. La réutilisation du papier et du carton est en tout état de cause une solution parfaitement praticable, qui s'est avérée fructueuse jusqu'ici. Mais dans le monde de l'étiquette, elle ne représente qu'une infime partie de la production totale. Pour les autres matériaux, les producteurs d'étiquettes et les marques ont le choix entre des supports recyclables, compostables et dégradables. Des exemples de toutes ces variables étaient visibles à Labelexpo, et sur le stand de Fedrigoni. Chaque solution présente des avantages et des inconvénients. Avec comme dénominateur commun, le problème de la collecte sélective. Une abréviation de plus en plus en vogue en rapport avec la durabilité est "ACV". L'analyse du cycle de vie (en anglais LCA: Life Cycle Assessment) est une méthode permettant de mesurer les conséquences pour l'environnement (avant et après) d'un produit ou d'une activité humaine. L'ACV constitue une synthèse de toute la chaîne présentée sous forme de tableau de bord prospectif. Plus le score est élevé, plus le produit est performant. L'ACV met aussi clairement en évidence les éléments susceptibles d'amélioration. L'UE a intégré cette méthode dans la stratégie de développement durable - il convient en effet de vérifier que tous les efforts mènent effectivement à quelque chose. L'ACV prend toujours plus d'importance pour les entreprises, auxquelles les autorités et les clients vont de plus en plus souvent demander la preuve qu'elles respectent l'environnement dans la fabrication d'un produit. La traçabilité du flux de déchets est notamment utile pour améliorer les effets environnementaux dans un sens positif - et elle est en même temps nécessaire pour compléter l'ACV. Avery Denison a ainsi montré une recette éprouvée à Labelexpo: la RFID. Une abréviation un peu fourre-tout pour différents types de puces ou marqueurs: passifs, actifs, HF, UHF ou NFC. Un circuit RFID intégré dans l'étiquette peut servir à transmettre de l'information et à en ajouter entre-temps. Le champ d'application est énorme, mais les possibilités sont encore largement inexploitées dans le monde de l'étiquette. Ce qui peut potentiellement changer à présent que pratiquement n'importe quel smartphone est capable de lire les informations des puces NFC. Une puce RIFD peut être lue à courte (NFC) ou longue distance (UHF). Avery Denison a montré une application (relativement insipide) permettant de faire apparaître le site Web du vigneron ayant produit la bouteille de vin dont on scanne l'étiquette. Mais la RFID est naturellement capable de beaucoup plus que cela. Avec ce service RFID, Avery Denison anticipe la réglementation européenne imposant la traçabilité des produits et la disponibilité des informations d'origine, de durabilité et de réutilisabilité. La métrologie ACV susmentionnée est à la base du passeport numérique des produits (Digital Product Passport), qui sera obligatoire en Europe à partir de 2024. Le DPP fait partie intégrante du Pacte vert pour l'Europe (Green Deal) censé convertir les États membres à l'économie circulaire. Mais la RFID est-elle bien nécessaire? Il existe déjà une solution très bon marché pour afficher des informations de produit. À savoir le QR-code. La RFID offre toutefois l'avantage de permettre d'ajouter des données en cours de cycle de vie. Les possibilités en termes de traçabilité sont donc plus étendues, la puce pouvant, par exemple, renseigner sur des paramètres comme la durée de conservation, l'état ou la condition du produit. Enfin, la technologie peut aussi contribuer à limiter le gaspillage de nourriture et améliorer l'administration des flux de déchets. Sur son stand à Labelexpo, le Finlandais Voyantic exposait des machines de CIG. Celles-ci automatisent non seulement la pose des puces RFID sur les étiquettes, mais aussi leur codage et leur contrôle. Les étiquettes mal codées ou abîmées sont automatiquement rejetées et coupées en deux pour éviter toute fraude. La RFID ajoute naturellement un matériau au produit, ce qui nuit au recyclage. Mais on y a pensé aussi. L'Italien Beontag, qui faisait ses débuts à Labelexpo, faisait la promotion d'une étiquette Eco RFID en papier. Plus écoresponsable à produire qu'une puce en PET, dit l'entreprise. L'avenir nous apprendra si le marché trouve judicieux d'investir dans la technologie RFID. Pour l'heure, il semble que l'on aura probablement besoin de plus de données sur les produits, et pas de moins. Chaque étiquette intelligente peut ainsi s'avérer un bon auxiliaire dans la transformation numérique de l'industrie de l'étiquette.