Avez-vous été engagée par Alpro pour rendre les emballages plus durables ?
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Avez-vous été engagée par Alpro pour rendre les emballages plus durables ?EVA DE KEYSER : " En effet. Ma tâche en qualité de Sustainable Development Manager est de réduire l'empreinte écologique d'Alpro sur tous les plans. Ce dont je m'acquitte en tandem avec ma manager Greet Vanderheyden, qui s'occupe davantage des aspects stratégiques et du caractère durable des ingrédients achetés. La mise en route et la coordination de projets d'amélioration en matière d'emballages mange actuellement la majeure partie de mon temps. La demande de moins d'emballages, ou d'emballages davantage renouvelables et/ou recyclables, s'est fortement intensifiée sur l'année et demie écoulée. Une évolution qui est due d'une part à la réglementation et aux ambitions européennes, mais qui s'explique aussi par la prise de conscience écologique des consommateurs, et partant, de nos clients de la grande distribution. Alpro entend venir le plus rapidement possible avec des réponses valables, et ainsi mettre plus encore en évidence son rôle de pionnier du durable. "Avez-vous suivi des études spécifiques qui vous autorisent à formuler ces réponses ?DE KEYSER : " La connaissance en matière d'emballages s'acquiert surtout par la pratique. Je possède certes des bases en tant que bioingénieure, mais le secret, c'est beaucoup de lecture et un suivi intensif des développements en cours. Tous les acteurs concernés ont entre-temps commencé à expérimenter de possibles solutions. En conséquence de quoi le marché évolue aujourd'hui à une vitesse folle. Ma tâche au sein d'Alpro est de réfléchir aux optimisations potentielles. En fait, je suis un peu le 'ciment' qui lie les différents départements : Recherche & Innovations, Achats, Sécurité alimentaire, Règlementation, Exploitation, Développement durable, Logistique, Marketing et Communications. Adapter un emballage est un processus extrêmement complexe devant faire intervenir un grand nombre de parties prenantes. La solution apparemment idéale d'un département peut venir buter sur le veto d'un autre. On pense, par exemple, à un nouveau matériau qui n'a hélas pas encore été homologué pour une application alimentaire. Ou qui n'offre pas la fiabilité requise pour le transport. Et puis, il y a aussi le danger d'être mal perçu par le consommateur. "Qu'entendez-vous précisément par-là ?DE KEYSER : " Les consommateurs ne sont pas toujours conscients que les différents éléments d'emballage remplissent une fonction bien déterminée. Nous sommes ainsi occupés à chercher une solution pour remplacer le couvercle en plastique des gros pots contenant notre alternative végétale au yaourt. Le supprimer serait parfaitement possible à première vue ; les pots sont en effet fermés par un opercule en aluminium. Mais le couvercle en plastique sert aussi à assurer la bonne conservation après ouverture. Sans lui, les portions restantes pourraient s'altérer rapidement et ne pas être toutes consommées. Ce qui revient au final plus cher au consommateur et représente une charge plus lourde pour l'environnement. Jeter de la nourriture a un impact écologique plus important que celui de ces couvercles. Le verre est un autre exemple. C'est à tort qu'on le considère comme un matériau d'emballage vraiment écologique. Certes, il est parfaitement recyclable. Mais le processus consomme hélas énormément d'énergie. Une bouteille en verre est en outre dix fois plus lourde qu'un carton à boisson, et elle est plus difficile à empiler. Deux inconvénients qui ont un gros impact sur le transport, et donc aussi sur l'empreinte écologique. Le verre n'est, de plus, pas une matière renouvelable. Pire même, une pénurie de sable, qui en constitue la matière première, menace à terme. Autrement dit : ce matériau ne rime pas avec nos objectifs durables. "Quels sont dès lors précisément les objectifs d'Alpro ?DE KEYSER : " Alpro veut renforcer son rôle de pionnier dans le domaine de l'entrepreneuriat durable. Il est possible de réduire l'impact des emballages au maximum. Non seulement nous y croyons, mais nous entendons le prouver d'ici 2025. Notre champ d'action pour les cinq prochaines années s'articule sur trois axes majeurs. D'abord et avant tout, nous visons une forte diminution des quantités de matériaux d'emballage. Ensuite, nous voulons rendre nos emballages 'plus verts'. Et enfin, nous souhaitons ne plus utiliser que des emballages entièrement recyclables à l'horizon 2025. "Avec-vous déjà avancé dans la concrétisation de ces objectifs ?DE KEYSER : " Sous la pression de la directive européenne sur les plastiques à usage unique, nous expérimentons actuellement une solution pour les pailles fournies avec nos petits formats de boissons. Pour peu qu'on les enfonce dans l'emballage, elles partent aussi au recyclage. Le problème tient surtout à celles qui se retrouvent séparées dans le flux des déchets. Et comme elles représentent globalement un volume considérable, la Commission a décrété une interdiction générale. Nous aussi, nous allons passer aux pailles en carton, mais la capacité de production n'est pas encore suffisante pour remplacer tous les exemplaires en plastique. D'où l'autre solution que nous lancerons cette année : un bouchon à boire permanent, qui peut être recyclé avec le carton à boisson. "Comment allez-vous vous y prendre pour verdir les emballages ?DE KEYSER : " Notre idée à la base est de miser au maximum sur les matériaux recyclés et d'origine végétale. Un projet important tourne autour de l'introduction de plastiques végétaux pour nos cartons à boissons. Comme ceux-ci représentent environ 80 % de notre volume de vente, la moindre intervention génère d'office un avantage écologique appréciable. Les cartons à boissons sont majoritairement composés de papier. Plus quelques couches de polyéthylène pour garantir l'étanchéité. Et une feuille d'aluminium pour assurer la protection contre la lumière et l'oxygène, ce qui permet une conservation à température ambiante. Autrement dit, 30 % de l'emballage n'est pas actuellement d'origine végétale, ce que nous voulons changer. Nous planchons sur un projet pour cette année en partenariat avec Tetra Pak. Il s'agit de remplacer autant que possible le polyéthylène de tous nos emballages de boissons d'un litre par un matériau similaire obtenu à partir de mélasse de canne à sucre. La composition et la fonctionnalité sont les mêmes ; le tout reste donc parfaitement recyclable sans nécessiter d'adaptation du parc de machines. La part végétale de nos cartons à boissons sera de cette manière portée à 89 %. Bilan : une réduction de 19 % de l'impact carbone par carton. Le grand défi réside dans l'ardoise globale, car ce genre de matériau a son prix. Nous pensons toutefois que la loi du volume va jouer à relativement court terme. Nous sommes convaincus que ce polyéthylène organique intéresse un grand nombre de fabricants de produits alimentaires. "D'autres projets visent-ils à rendre l'emballage plus vert ?DE KEYSER : " Une deuxième initiative importante est effectivement en cours. Nous allons commercialiser pour la première fois une boisson végétale dans une bouteille en PET recyclé. Préférer un contenant en plastique à un carton à boissons ne semble pas évident de prime abord. Pour rappel, les briques à boissons sont constituées à 71 % de carton. Mais ici aussi, il convient de lever un malentendu. L'infrastructure de recyclage du PET est actuellement la mieux développée au monde. Le 'rPET' (recycled PET) est aujourd'hui le seul plastique recyclé autorisé pour une réutilisation dans emballages alimentaires. Nos bouteilles comporteront dès lors au minimum 50 % de PET recyclé, le but étant de fermer le circuit le plus rapidement possible et d'utiliser à terme 100 % de matériau recyclé pour toutes les bouteilles. L'intention n'est pas dans l'immédiat de remplacer tous nos cartons à boissons par des bouteilles en plastique. Car nous continuons aussi de miser sur la recherche d'un emballage entièrement végétal. "Alpro veut rendre ses emballages à 100 % recyclable, dites-vous ?DE KEYSER : " Telle est effectivement notre conviction, mais le monde autour de nous évolue lui aussi dans cette direction. Ainsi, un 'Plastics Pact' a été conclu au Royaume-Uni entre différents acteurs, distributeurs et producteurs. L'une de ses priorités est de sortir les plastiques difficiles à recycler de la circulation. Exemple : le polystyrène, considéré des années durant comme le matériau parfait pour les emballages de yaourt : souple, léger et bon marché. Le problème est que le recyclage du polystyrène n'est toujours pas financièrement rentable. Comment allons-nous relever ce défi ? Cela reste un point d'interrogation. Peut-être opterons-nous pour un type de carton à boisson ou pour du rPET. Quoi qu'il en soit, le changement aura un grand impact. À nous donc de bien réfléchir à la solution qui aura le meilleur avenir à long terme. "Quelle est la plus grande difficulté dans la quête d'emballages plus respectueux de l'environnement ?DE KEYSER : " La sécurité alimentaire, indubitablement. Pour un fabricant d'aliments, elle prime sur tout le reste. Avec pour conséquence de restreindre considérablement l'éventail des possibilités. Étant donné le risque de contamination, nous ne pouvons pas utiliser n'importe quel matériau recyclé. De nouvelles solutions sont souvent encore en attente d'une certification 'foodgrade', une procédure qui peut prendre des années. Les idées hors du cadre posent aussi de nombreux défis. Ainsi, pour rester dans la philosophie des magasins sans emballage, nous avons pensé à des distributeurs automatiques, par analogie avec tout l'éventail des produits secs qui sont ainsi proposés à la vente. Mais le risque est trop important. Nous n'avons en effet aucun contrôle sur les mesures d'hygiène ou de gestion des allergènes appliquées par les grands magasins. "Comment voyez-vous évoluer le marché de l'emballage ?DE KEYSER : " Un monde sans emballage est une utopie, certainement pour les denrées liquides. Nous allons malgré tout vers un marché plus homogène, centré sur un spectre étroit de matériaux entièrement renouvelables. Le cradle-to-cradle est l'avenir ; j'en suis persuadée.