Cet article s'intéresse à deux domaines clés où l'incidence de l'impression industrielle aura été déterminante: le papier décoratif numérique pour la fabrication de stratifiés et l'impression directe dans l'industrie du bois. Nous passons en revue les différentes possibilités et présentons la technologie à la base de ces innovations.
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Cet article s'intéresse à deux domaines clés où l'incidence de l'impression industrielle aura été déterminante: le papier décoratif numérique pour la fabrication de stratifiés et l'impression directe dans l'industrie du bois. Nous passons en revue les différentes possibilités et présentons la technologie à la base de ces innovations. L'industrie du bois est un exemple de la grande diversité d'applications possibles des surfaces décoratives. Ce secteur vieux de plusieurs millénaires est aujourd'hui influencé surtout par l'industrie du bâtiment, qui fait abondamment usage de ses produits pour la construction et la rénovation de maisons d'habitation ou d'immeubles de commerce. L'impression décorative dans le secteur du bois trouve notamment des débouchés importants dans le domaine des sols et des stratifiés décoratifs. Les revêtements de sol constituent un sous-segment en soi, qui devrait générer un chiffre d'affaires de 448 milliards de dollars en 2023, dont 23% en Europe, selon une étude du cabinet Markets and Markets. Un autre segment qui donne lieu à des utilisations massives est celui des stratifiés décoratifs, qui représente aujourd'hui plus de 11 milliards de mètres carrés imprimés. 20% du volume total des stratifiés décoratifs est imprimé en Europe. Comme dans d'autres segments, les fabricants de revêtements de sol et de meubles se tournent vers les technologies numériques pour répondre à une demande croissante de produits davantage personnalisés. Grâce à l'introduction du numérique, ces fabricants sont en mesure de proposer des solutions innovantes qui non seulement peuvent être produites en petites quantités, mais véhiculent en outre une proposition de valeur unique porteuse de marges plus confortables. Une récente étude de Keypoint Intelligence montre que l'impression numérique est occupée à devenir une nécessité. Les clients sont de plus en plus demandeurs d'équipements leur permettant de réaliser de plus petits tirages et de tenir des délais plus courts (61 et 72%, respectivement). La demande d'une production à flux tendu augmente elle aussi (59%), tout comme le besoin de personnalisation (54%). L'adoption des technologies numériques est ainsi encouragée par les nouvelles attentes des clients: délais d'exécution plus courts et niveaux de personnalisation plus élevés. Lorsque la production de masse a pris son essor, priorité fut donnée à la rapidité et à la simplicité. Pour la première fois dans l'histoire de l'humanité, il devenait possible de faire fabriquer un large éventail de produits à la pièce par une main-d'oeuvre qualifiée bénéficiant d'une aide mécanisée. De quoi faire baisser les prix et assurer la disponibilité d'un grand nombre d'articles sur le marché de la consommation. Les débuts de l'industrialisation ont mis l'accent sur l'efficacité, la disponibilité et le faible coût unitaire. Comme le disait Henry Ford en 1909: "Le client peut avoir sa voiture dans la couleur qu'il souhaite pourvu qu'elle soit noire." Une centaine d'années plus tard, les technologies et les priorités du consommateur ont radicalement changé. La customisation de masse, jadis une utopie, est aujourd'hui une option très prisée, du fait notamment des attentes créées par le commerce en ligne, les réseaux sociaux et les technologies d'innovation. Cela étant, une autre exigence du consommateur mérite d'être évoquée, en particulier à propos d'une matière comme le bois: à savoir la dimension durable. Le thème de la soutenabilité gagne chaque année en importance alors que les consommateurs (et plus particulièrement les jeunes générations comme les Milléniaux et la Génération Z) sont de plus en plus préoccupés par l'avenir de la Planète. Les consommateurs appartenant à ces tranches d'âge veulent des produits respectueux de l'environnement et qui n'épuisent pas les ressources limitées. Au vu de la prééminence croissante de ces deux facteurs, l'impression numérique des surfaces dans les applications bois semble être une manière notable de permettre aux fabricants d'innover avec des produits différenciés. L'impression numérique peut répondre aux exigences croissantes de fabrications en petites séries tout en générant des gains d'efficacité opérationnelle pour les productions longues. La technique est ainsi idéale aussi bien pour les fournisseurs directs du grand public que pour les fabricants de HPL (stratifiés haute pression) en quête d'une offre de produits différenciée. L'impression numérique de surfaces décoratives dans les industries du bois procure de nouveaux gains d'efficience, notamment à travers la fabrication en petites séries, les mises en route accélérées, la préparation plus rapide des cylindres hélio et l'intégration de solutions numériques à même les lignes de production existantes (les entreprises ne doivent donc pas réinvestir totalement dans leurs processus de production pour en tirer les premiers bénéfices). À l'heure où les prestataires voient augmenter la demande de courts tirages (61%) et de fabrications à flux tendu (59%), l'impression numérique confirme sa capacité à satisfaire les trois principales demandes des consommateurs qui influencent le marché. Les surfaces décoratives étaient traditionnellement peintes au pistolet ou imprimées par des procédés conventionnels tels que l'héliogravure. Ces méthodes impliquent toutefois des délais d'exécution prolongés pour la préparation des designs ou la gravure des cylindres, avant le contrecollage final sur les surfaces. Les commandes minimales de papier décoratif sont de l'ordre d'une tonne, sachant que le développement des motifs est limité à la circonférence du cylindre d'impression de la presse. Le temps nécessaire pour basculer vers la série suivante est aussi un facteur limitant du nombre de travaux réalisables sur une journée. Avec le numérique, les travaux peuvent être produits à la longueur spécifique demandée par le client. Ils ne sont plus contraints par le développement d'un cylindre, mais peuvent être produits en fonction du format de la contrecolleuse, ou avec un motif de design unique dans le cas d'une impression directe. Si le bois naturel procure une classe indéniable à tout projet, son utilisation apporte aussi son lot connu d'inconvénients. L'aspect durable mis à part, le bois peut ne pas convenir pour certaines applications. Par exemple, celles où il serait exposé aux éléments ou mis en contact direct avec l'humidité ou les xylophages. Beaucoup de produits aussi sont fabriqués à partir de matériaux mixtes, auxquels une surface décorative uniforme donne une apparence d'homogénéité. La technologie numérique permet de simuler diverses matières naturelles sur des surfaces rigides hétérogènes par impression numérique ou contrecollage. Il est ainsi possible, par exemple, d'obtenir la teinte, la texture et le dessin d'un bois véritable en imprimant sur du contreplaqué, du métal ou du vinyle. Ces matériaux peuvent même être plus solides, plus durables et plus résistants à l'eau que le vrai bois, et offrir aux consommateurs un produit conforme à ce qu'ils attendent de l'industrie du bois. Des imprimantes à plat à jet d'encre aux systèmes pouvant débiter jusqu'à 150 mètres de panneaux décoratifs à la minute, l'industrie du bois offre des possibilités pour la mise en oeuvre de solutions axées aussi bien sur les petites fabrications que sur la production de masse de grands volumes. On voit apparaître sur le marché de nouveaux équipements capables d'imprimer sur une grande diversité de surfaces - de simples revêtements de sol à des designs élaborés réalisés directement sur des portes ou des chaises en bois. Différents pourvoyeurs de technologies opèrent dans ce domaine. Certains tirent leurs racines de l'industrie graphique ; d'autres ont développé des solutions spécialement destinées aux applications liées au travail du bois. Parmi les fournisseurs graphiques occupés à migrer vers l'impression industrielle figurent, par exemple, Kodak avec sa gamme Prosper, Koenig & Bauer avec la RotaJet, Inca et son offre Onset, et EFI avec la Cubik. Nombreux aussi sont ceux qui possèdent des imprimantes jet d'encre UV à plat ou des rotatives à encres aqueuses dans leur assortiment et qui ont à leur tour mis au point des solutions pour l'industrie du bois. Notamment Agfa qui a lancé fin 2020 l'InteriorJet pour la décoration d'intérieur. L'imprimante multipasse imprime avec des encres aqueuses le papier de décoration qui est utilisé en décoration d'intérieur comme les sols stratifiés et le mobilier. Le secteur du bois pose toutefois un défi particulier en ceci que l'impression n'est qu'une étape parmi toutes celles qui sont nécessaires à la fabrication d'une surface décorative. Ce qui demande une compréhension approfondie de la chaîne d'approvisionnement, des procédés, des matériaux et des applications (ex. sols, placards, meubles, contrecollage, imprégnation). Plusieurs entreprises fortes de leur héritage dans le travail du bois proposent des solutions numériques spécifiquement conçues. Par exemple Hymmen avec les gammes Jupiter et Saturn, Cefla Finishing (J-Print), Barberan (JetMaster) et la Schattdecor Palis 750, fruit d'un partenariat entre un fabricant de papiers décoratifs et un développeur de systèmes d'impression jet d'encre (Palis). Ces solutions d'impression directe ne se limitent pas seulement à la création d'une image planographique - elles peuvent aussi produire une texturation en relief correspondant à l'image sous-jacente, dans le respect des normes de permanence de la surface. Les avancées des technologies d'impression numérique n'ont pas été bénéfiques qu'en termes de vitesse de production et de diversité des supports. D'énormes avancées ont aussi été engrangées du point de vue de l'assurance-qualité. Imprimer sur des surfaces - naturelles ou synthétiques - peut coûter cher et toute erreur se paie cash, sans parler du ralentissement induit en production. De nouveaux appareils donnent la priorité à la détection des défauts et à la classification des productions afin de pouvoir garantir l'homogénéité de couleur et de texture de l'ensemble du lot. Une innovation intéressante de ce point de vue est l'utilisation de la technologie dite du "jumeau numérique", c'est-à-dire une simulation virtuelle dynamique de toutes les étapes d'une ligne de production. Les entreprises peuvent ainsi simuler l'ensemble d'un processus pour chaque outil, robot et interaction humaine, et ce en temps réel. Le jumeau numérique peut prédire les problèmes et les pannes avant leur survenance, ce qui permet au fabricant d'y remédier avant même la mise en route de la ligne de production physique. La technologie du jumeau numérique influence déjà la plupart des secteurs industriels - et l'industrie du bois accroche aussi ce wagon car ses processus de production sont particulièrement complexes. Cette technique permet d'améliorer les flux de production, de simplifier la maintenance et de réduire les taux d'indisponibilité. Par exemple, sur de nouvelles lignes de décoration de surfaces intégrant des imprimantes numériques et d'autres matériels connectés. Toutes les solutions évoquées jusqu'ici dans cette revue des technologies sont innovantes et à même de fournir une qualité de produits homogène, répondant à la demande de produits standardisés ou personnalisés. Comme pour beaucoup de processus manufacturiers, il est crucial d'avoir une compréhension claire de l'état de la production, de la productivité de la ligne de fabrication et de la rentabilité de la création. Il existe aujourd'hui, pour aider les fabricants, des solutions dites "prêtes pour l'Industrie 4.0". Celles-ci ont recours à toute une palette d'outils numériques pour assurer la planification, le développement ainsi que la surveillance de la production et de la disponibilité de la ligne totalement intégrée. Le processus de planification peut être lancé sur la base d'un jumeau numérique simulant la ligne de production et son fonctionnement avant même sa construction. Après correction de toutes les erreurs détectées, ce plan numérique peut être converti en une ligne intégrée entièrement assemblée. L'infrastructure dématérialisée (Cloud) utilisée dans le jumeau numérique sert alors à assurer le suivi de la production réelle et la surveillance des principaux indicateurs de performances (KPI). Le bois a toujours été un domaine d'application mineur pour le secteur de l'imprimerie, faute d'un intérêt suffisant de la part des consommateurs. Ce désintérêt peut en partie s'expliquer par le manque de personnalisation ainsi qu'eu égard au temps et aux coûts nécessaires à la création d'un produit personnalisé. Avec les avancées technologiques et la diffusion plus large de l'impression numérique dans le secteur du bois, certaines barrières sont désormais levées. Une fois que les consommateurs auront compris qu'ils peuvent aussi s'exprimer à travers le bois sans se ruiner, cette industrie pourra connaître un renouveau. Au vu des réalités du marché - focalisation sur la customisation de masse et demande croissante de soutenabilité - l'impression numérique semble appelée à jouer un rôle majeur dans l'industrie du bois. Alors que l'impression numérique tend de plus en plus à devenir la norme, nous nous attendons à assister à une croissance soutenue dans l'industrie du bois en général - y compris dans des catégories comme celles de l'ameublement. La Virtual.drupa permettra certainement d'en apprendre davantage.