Les imprimeries sont à la peine, et cela ne date pas d'hier. Au fil des années, il leur a fallu constamment se réinventer pour s'adapter à un marché changeant et à une technologie en évolution permanente. Mais tout le monde ne maîtrise pas le contexte ni n'est présent de longue date dans le secteur graphique. Flashback donc sur les années 70 et 80. À l'époque, il y avait encore des imprimeurs, des ateliers de façonnage et des photograveurs qui livraient aux imprimeries les films montés prêts à imprimer. Tous ces spécialistes travaillaient de concert. Les délais étaient longs et il fallait s'estimer heureux d'avoir ses imprimés dans les quinze jours. Mais il y avait aussi déjà des imprimeurs désireux de se distinguer de leurs confrères, par exemple, en proposant des livraisons plus rapides. Une manière de le faire était d'investir dans son propre équipement de façonnage ou de racheter une entreprise spécialisée. De quoi supprimer les fastidieux allers-retours entre l'imprimerie et l'atelier de finition, et pouvoir réagir beaucoup plus rapidement en cas de problème. Bon nombre d'ateliers de finition ont ainsi disparu avec les années et ceux qui ont survécu se sont spécialisés dans un marché de niche.
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Les imprimeries sont à la peine, et cela ne date pas d'hier. Au fil des années, il leur a fallu constamment se réinventer pour s'adapter à un marché changeant et à une technologie en évolution permanente. Mais tout le monde ne maîtrise pas le contexte ni n'est présent de longue date dans le secteur graphique. Flashback donc sur les années 70 et 80. À l'époque, il y avait encore des imprimeurs, des ateliers de façonnage et des photograveurs qui livraient aux imprimeries les films montés prêts à imprimer. Tous ces spécialistes travaillaient de concert. Les délais étaient longs et il fallait s'estimer heureux d'avoir ses imprimés dans les quinze jours. Mais il y avait aussi déjà des imprimeurs désireux de se distinguer de leurs confrères, par exemple, en proposant des livraisons plus rapides. Une manière de le faire était d'investir dans son propre équipement de façonnage ou de racheter une entreprise spécialisée. De quoi supprimer les fastidieux allers-retours entre l'imprimerie et l'atelier de finition, et pouvoir réagir beaucoup plus rapidement en cas de problème. Bon nombre d'ateliers de finition ont ainsi disparu avec les années et ceux qui ont survécu se sont spécialisés dans un marché de niche. Les années 90 allaient présider à une nouvelle évolution, avec l'essor de l'ordinateur individuel et des logiciels de mise en page comme Adobe Pagemaker et QuarkXPress. L'introduction des flasheuses permettant d'exposer aussi bien des feuillets séparés que des formes imprimantes complètes a soudainement rendu la prépresse beaucoup plus accessible. Les imprimeries ont investi dans leur propre matériel ou ont acheté l'expertise en faisant main basse sur un photograveur. Tant et si bien que la quasi-totalité de ceux-ci ont disparu. Simple à première vue, mais plus compliqué qu'il n'y paraît. Car plus question de pouvoir accuser la photogravure ou la finition en cas de problème. Quand on fait tout soi-même, il faut aussi assumer la responsabilité de la faute. Un tournant que toutes les imprimeries n'ont pas su négocier, et celles-là ont eu de plus en plus de mal à rester compétitives. Drupa 96: la présentation de la première presse numérique Indigo ouvre un nouveau segment dans le marché, celui de l'imprimeur numérique. Les offsettistes ne s'en émeuvent pas trop, car la qualité des premières presses numériques reste très éloignée de celle de l'offset. Mais la technique offre des possibilités qui font défaut à l'offset. L'imprimé personnalisé, par exemple. Alors que la plupart des imprimeurs offset se cantonnent dans l'attentisme, quelques visionnaires décident d'investir aussi dans cette technologie en complément de leurs presses. Par exemple, pour proposer les courts tirages ou la personnalisation impossibles à réaliser en offset. Il ne fait aucun doute que les presses numériques ont ainsi lancé la tendance aux petits tirages. Terminées les commandes de flyers par milliers. On imprime désormais uniquement ce qui est nécessaire ET avec des informations à jour. Ce qui semble aujourd'hui la chose la plus normale du monde, mais il n'en a pas toujours été ainsi. Et là aussi, l'histoire se répète. Les imprimeries ne sous-traitent plus leurs commandes numériques ; la plupart d'entre elles disposent désormais de leur propre département équipé d'une ou plusieurs presses digitales et de l'équipement de finition ad hoc. Quant aux imprimeries purement numériques, elles n'ont pas disparu. Au contraire. Un bel exemple en est la société Universitas Digital Printing, qui pourvoit depuis des années aux besoins des services cours du monde académique anversois. Les étudiants commandent leurs syllabus en ligne et tout est imprimé en numérique dans une qualité qui n'a rien à envier à l'offset. Les livres à l'unité sont monnaie courante. Ce qui nous ramène à notre sujet: l'impression grand format (LF). Un secteur qui à l'origine n'avait aucune affinité particulière avec le marché graphique car beaucoup de prestataires grand format ont commencé comme lettreurs. Il y avait aussi les enseignistes spécialisés dans les néons publicitaires, un métier d'ailleurs protégé. Les purs signaléticiens n'existent pratiquement plus, car eux aussi ont dû se diversifier dans l'impression grand format. Pour ces entreprises, le passage à l'impression numérique n'a pas été simple. Leurs connaissances de la gestion des couleurs étaient lacunaires et l'aspect des images pouvait être totalement différents selon le support. Tout cela appartient toutefois au passé grâce au soutien des fournisseurs spécialisés. Si un lettreur d'enseigne peut faire le pas vers le grand format, la tâche ne doit pas être insurmontable pour une imprimerie. Ne fût-ce que pour étoffer sa gamme de produits ou être en mesure de répondre aux demandes des clients désireux d'avoir aussi du grand format. Souvent ceux-ci étaient directement renvoyés vers un prestataire LF, ou alors la commande était acceptée et sous-traitée. D'autres imprimeries ont vu très tôt la nécessité d'investir dans leur propre équipement grand format. L'une de ces visionnaires fut Artoos, qui dès les années 90, possédait son propre département digital, aussi bien en petit qu'en grand format. Une autre est Zwartopwit, à Herenthout, qui dispose d'un département grand format depuis 2008 pour la production de bâches, films autocollants, panneaux, présentoirs, tirages d'art et photos, etc. Celui-ci est abrité dans un hall de pas moins de 2 000 m2 où est déployé un matériel à faire baver d'envie plus d'un spécialiste du grand format. Une troisième est Daddy Kate, à Leeuw-Saint-Pierre. Elle compte parmi sa clientèle de grands détaillants alimentaires, qui, tout au long de la crise du coronavirus, ont commandé énormément d'imprimés personnalisés et de matériel de PLV en petit et grand format. Haletra, à Houthalen, est sur la même longueur d'onde. Elle a investi récemment dans une imprimante LF destinée à être le fer de lance d'un département dédié. L'imprimerie Perka, à Maldegem, a opté pour une méthode plus radicale. Elle a racheté Quadrifinish, à Audenarde, se dotant d'un seul coup à la fois de l'expertise et du matériel. Les possibilités sont multiples et le lecteur attentif aura reconnu entre les lignes les points communs avec les évolutions décrites plus haut. Reste la question: tout cela est-il bien nécessaire? Tout dépend à qui l'on parle car les avis sont très partagés. Certains pensent que les imprimeries fonctionnent trop comme des îlots qui veulent tout proposer, et sont plutôt partisans d'une bonne interaction avec d'autres entreprises. D'autres sont d'avis que l'appellation "imprimerie" disparaîtra à terme pour être remplacé par "spécialiste de la communication visuelle" ou quelque chose du genre. Une chose est sûre. La diversification dans l'offre de produits et de services ouvre des possibilités de ventes croisées, ce qui constitue une meilleure protection contre les aléas financiers. Si un secteur traverse une mauvaise passe, un autre compense. Les entreprises évitent ainsi d'être trop dépendantes d'un ou plusieurs clients ou secteurs. Une vision à long terme et des contacts quotidiens avec le marché pour en sentir le pouls restent déterminants pour maintenir une entreprise dans la bonne voie. Investir dans le grand format peut donc avoir du sens pour les imprimeries, mais encore faut-il veiller à aborder la problématique dans sa globalité. Une bonne approche requiert la prise en compte de multiples autres éléments. Il ne suffit pas d'acquérir une imprimante. Sans l'indispensable soutien marketing, elle risque de prendre la poussière dans un coin. Les exemples ne manquent pas. Mais si l'approche est bonne, l'impression grand format peut offrir une énorme valeur ajoutée à l'imprimeur et à ses clients. En tout état de cause, l'imprimeur de l'avenir va se muer en prestataire de communications visuelles multiservices et, vu sous cet angle, le grand format colle parfaitement dans le tableau. Sera-ce aux dépens des imprimeurs LF pur jus? L'avenir le dira.